Le texte ci-dessous est tiré du célèbre Recueil de souvenirs d’Elzéar-Alexandre Martel, publié en 1949. Correspondant de longue date pour Le Soleil, Martel s’est appliqué, tout au long de sa carrière, à compiler les nouvelles locales parues dans différents journaux. Il collait soigneusement les découpures sur les pages de huit volumes couvrant la période de 1905 à 1926. Le Recueil de souvenirs constitue une synthèse de cette vaste collection. La Société d’histoire de La Haute-Saint-Charles conserve aujourd’hui cette collection de découpures.
En 1919, les différentes rues de la municipalité de Loretteville portaient les noms que chacun voulait bien leur donner. À cette époque, les résidences n’étaient pas numérotées.
En février de cette année 1919, alors que j’étais correspondant d’un journal de Québec (Le Soleil), j’émettais l’idée de donner des noms officiels et historiques aux rues de Loretteville et de numéroter les résidences. J’écrivais donc ce qui suit :
« Le conseil municipal de Bienville a décidé de faire placer des numéros sur les maisons, comme dans les villes. La chose existe déjà dans plusieurs paroisses, à St-Romuald, toutes les maisons sont numérotées. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose à Loretteville ? Cela coûterait peu cher à la municipalité et combien d’ennuis l’on éviterait ».
Le 22 mars de cette même année, le correspondant à Loretteville d’un autre journal de Québec (L’Action Catholique) écrivait à son tour ce qui suit sur le même sujet :
« Une bonne idée, c’est celle qu’émet mon confrère du Soleil au sujet des numéros sur les maisons. Nous avons des noms de rues, si nous avions maintenant un numéro sur chaque maison, comme cela rendrait bien des services. Aujourd’hui, si nous avons à renseigner quelqu’un sur la demeure d’un tel ou d’un tel, il nous faut commencer par décrire la maison ou encore dire qui sont ses plus proches voisins et ces derniers souvent ne sont pas plus connus que la personne que l’on cherche. En adoptant ce procédé, on éviterait bien des ennuis et de la part de ceux qui demandent des renseignements et de la part de celui qui a à les renseigner. L’idée mérite de faire son chemin et d’être étudiée par le conseil ».
Cette idée lancée en 1919 et que tous trouvaient excellente ne se réalisa que seize ans après avoir été lancée. Les conseillers municipaux qui se succédèrent durant cet espace de temps effleurèrent cette question, et ce n’est qu’en 1935 que Monsieur le conseiller Raoul Pleau proposa l’adoption d’un règlement décrétant le changement des noms des rues et le numérotage des logements de Loretteville.
Ce règlement fut accepté unanimement à une assemblée du conseil municipal tenu le 5 avril 1935 et à laquelle assistaient Messieurs les conseillers Narcisse Dion, Camille Parent, Gaudias Letellier, Raoul Pleau, Joseph Boutet et Léopold Martel. Monsieur le maire Alfred J. Blondeau, présidait cette séance. L’auteur de ces lignes qui avait lancé l’idée en 1919, agissait comme secrétaire et eut le plaisir de préparer la nomenclature des différentes rues de Loretteville. L’idée qui avait été lancée en 1919, avait fait son chemin, mais à pas lent cependant. L’inspecteur municipal M. Albert Trudel fut chargé de l’exécution de ce règlement. Dès l’été de 1935, les noms des rues étaient indiqués et les résidences étaient numérotées.
Les membres du conseil municipal reçurent de nombreuses félicitations pour l’heureuse initiative qu’ils avaient eue. Grâce à cette initiative du conseil municipal de 1935, Loretteville, ville industrielle et très prospère, située seulement à huit milles de la ville de Québec, a maintenant des noms de rues qui rappellent son histoire paroissiale et municipale. Les rues rappellent les noms de citoyens qui ont joué un rôle marquant à Loretteville.
Voici la liste des noms qui furent donnés aux différentes rues de Loretteville en 1935.

Principale avant 1935, devenue
Racine depuis 1935
Ce nom est donné en l’honneur des trois frères Racine, prêtres, natifs de la paroisse et dont deux furent sacrés évêques, l’un à Sherbrooke et l’autre à Chicoutimi.

Valcartier avant 1935, devenue St-Ambroise en 1935, puis Valcartier aujourd’hui
Le nom St-Ambroise a été donné en l’honneur du patron de la paroisse. L’abbé Lionel-Saint-George Lindsay explique qu’il convenait, en effet : « que le grand docteur de l’église latine, Ambroise, gouvernât du haut du ciel cette église naissante, fille de celle de Charlesbourg, placée sous la protection de son saint émule et successeur sur le siège de Milan, Saint-Charles-Borromée ».

Hamel avant 1935, devenue Morissette depuis 1935
Un choix en l’honneur du chanoine Louis-Rosario Morissette, curé de la paroisse de 1915 à 1936.

Alexandre avant 1935, devenue
St-Amand depuis 1935
Un choix en l’honneur de Alexandre St-Amand, deux fois maire de Loretteville et ancien préfet du comté de Québec.

Pincourt Sud avant 1935, devenue
Lessard depuis 1935
Un choix en l’honneur de l’abbé Philias Lessard, ancien curé de la paroisse de 1904 à 1911.

Pincourt Nord avant 1935, devenue
Renaud en 1935, puis Cyrille-Renaud
aujourd’hui
Un choix en l’honneur du notaire Cyrille Renaud, ancien maire et ancien secrétaire-trésorier de la municipalité de Loretteville.

Auclair avant 1935, devenue Arsenault en 1935, puis Ernest-Renaud
aujourd’hui
Le nom Arsenault a été donné en l’honneur de Monsieur J. Clovis Arsenault, curé de la paroisse de 1911 à 1915.

de la
Salle avant 1935, devenue Martel depuis 1935
Un choix en l’honneur de M. Joseph Martel, pharmacien, qui fut le premier maire de la municipalité de Loretteville, lorsque celle-ci fut détachée de celle de St-Ambroise de la Jeune Lorette.

de la
Salle Sud avant 1935, devenue Lavallée depuis 1935
Un choix en l’honneur du major Joseph Lavallée, ex-maire de Loretteville.

de
l’église avant 1935, devenue Giroux depuis 1935
Un choix en l’honneur de Monsieur l’Abbé Guillaume Giroux, curé de la paroisse de 1880 à 1904.

St-Jean-Baptiste
en 1935, devenue de l’Hôpital aujourd’hui
Le nom St-Jean-Baptiste a été donné en l’honneur du Patron des Canadiens français.

Fond à
Jean Denis (ou Johnny) avant 1935, devenue Ste-Marie en 1935, puis Marie-Savard aujourd'hui
Le nom Ste-Marie a été donné en l’honneur de la Sainte-Vierge Marie.

St-Claude avant 1935, devenue Verret depuis 1935
Un choix en l’honneur de Messieurs J. A. Verret et Alfred Verret, deux ex-maires de Loretteville.

Monté
Godin avant 1935, devenue Cooke en 1935, puis Monseigneur-Cooke aujourd’hui
Un choix en l’honneur de Monseigneur Thomas Cooke, ancien curé de la paroisse de 1824 à 1835, devenu par la suite premier évêque de Trois-Rivières.

du Roi avant 1935, devenue Boucher en 1935, puis du Golf aujourd'hui
Le nom Boucher a été donné en l’honneur de l’abbé François Boucher, ancien curé de la paroisse de 1844 à 1880.

St-Joseph avant 1935, devenue Albert-Trudel aujourd’hui
Le nom St-Joseph a été donné en l’honneur de Saint-Joseph, époux de la Vierge Marie.

St-Louis avant 1935, devenue Louis-IX aujourd’hui
Le nom St-Louis a été donné en l’honneur du Roi de France, St-Louis, patron de l’Académie St-Louis de Loretteville.

de la
Misère avant 1935, devenue St-Jacques
depuis 1935
Un choix retenu, car c’est le même nom qu’un rang de la paroisse où conduit cette rue.
Vous pouvez lire l'intégralité du Recueil de souvenirs d’Elzéar-Alexandre Martel en l’empruntant virtuellement sur le site Internet Archive.